Les effets de la séparation familiale sur la santé mentale des réfugiés

par Mayte Parada, M. Sc. A., Ph. D.

 

La Journée mondiale des réfugiés (#journéemondialedesréfugiés), en date du 20 juin, représente l’occasion de reconnaître la situation tragique des réfugiés du monde entier, d’être sensibilisé aux chamboulements vécus avant et après leur arrivée dans leur nouveau milieu, et d’être informés des conséquences sur leur santé mentale.

De nombreuses souffrances sont associées à la vie de réfugiés : malnutrition, perte de propriété, emprisonnement, torture, agression physique, terreur, viol, etc. Cependant, un élément précis, particulièrement important dans le cadre de la thérapie conjugale et familiale, revient constamment dans le récit des réfugiés : la séparation du reste de la famille. Les réfugiés ont de fortes chances de vivre un traumatisme. Ce qui s’explique en partie par la fragmentation des familles et, dans de nombreux cas, la perte de proches. De nombreuses études rapportent, sans surprise, la présence de symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT), de dépression majeure, de suicidalité, et d’anxiété au sein des populations réfugiées.

Une récente étude menée par des chercheurs de l’Université du Nouveau-Mexique et de l’Université d’État du Michigan s’est penchée sur les conséquences de la séparation familiale propres aux populations réfugiées. Les auteurs soulignent que le concept de famille varie d’une culture à l’autre, les cultures non occidentales ayant une définition plus large. Ils donnent l’exemple de familles musulmanes qui inclut les membres de trois ou quatre générations dans leur cellule familiale. Selon les chercheurs, comprendre les conséquences de la séparation familiale est impératif pour mieux encadrer le réétablissement des réfugiés. Les programmes américains destinés aux réfugiés ne comprennent généralement que la famille nucléaire (les deux parents et leurs enfants), et les programmes de réunification de la famille sont restrictifs, requérant parfois un test d’ADN ou des papiers officiels pour prouver les liens familiaux. Les objectifs de l’étude étaient de se pencher sur le point de vue des réfugiés quant à leur séparation familiale, sur les conséquences pour leur santé mentale, et sur les répercussions dans leur vie quotidienne. Les chercheurs voulaient également comprendre le poids de la séparation familiale sur leur santé mentale en la comparant avec d’autres évènements stressants ou traumatiques.

L’échantillon était composé de réfugiés installés aux États-Unis depuis un maximum de trois ans au début de l’étude. Les 165 participants ont passé des entretiens et répondu à des questionnaires dans le but de recueillir leur point de vue sur les épreuves vécues, et d’évaluer les effets relatifs de la séparation familiale sur leur santé mentale et leur bien-être psychologique.

Les résultats indiquent qu’une séparation familiale liée à l’immigration est une source majeure de détresse chez les participants. Ces derniers l’ont décrite de plusieurs façons :

  1. Un sentiment de peur pour la sécurité physique des membres de la famille restés dans la zone de conflit.
  2. Un sentiment d’impuissance face aux conditions des membres éloignés de la famille.
  3. Des besoins émotionnels inassouvis, en raison du manque de proximité et des contacts limités avec la famille après la séparation.
  4. Une diminution de la satisfaction pour d’autres aspects de leur vie, et une augmentation du conflit émotionnel ressenti face à leur présence dans un nouveau pays (connu sous le nom de dissonance émotionnelle).
  5. Une retenue dans la communication avec les membres éloignés de famille, souvent afin d’éviter les mauvaises nouvelles qui pourraient engendrer la détresse et la peur.
  6. Un sentiment de détachement face aux activités culturelles et religieuses, autrefois partagées avec la famille.

Les questionnaires soumis mesuraient la détresse émotionnelle, le TSPT et la qualité de vie. Les résultats révèlent que les réfugiés qui ont vécu une séparation familiale montrent, de façon significative, un degré plus élevé d’anxiété, de dépression et de symptômes TSPT, et un niveau de qualité de vie psychologique plus bas que les autres réfugiés. Ces participants rapportaient également un degré de traumatisme général plus élevé, peu importe le temps écoulé depuis leur réétablissement aux États-Unis. Après avoir évalué l’effet négatif de l’exposition à un traumatisme sur le bien-être psychologique, les chercheurs ont constaté une plus grande incidence chez les participants qui vivaient une séparation familiale que chez les autres réfugiés. Un seul autre facteur, celui d’avoir été agressé physiquement, battu ou torturé, expliquait un tel écart.

À la lumière des résultats, les auteurs de l’étude confirment que la séparation familiale a une incidence majeure sur la santé mentale des réfugiés. Les auteurs expliquent que la séparation familiale représente un facteur de stress exacerbé par la réinstallation dans un pays lointain, et un processus temporel sans fin prévisible pour de nombreuses familles. Ces considérations sont d’une grande importance pour les personnes-ressources qui aident les réfugiées à surmonter les répercussions de la séparation familiale, et à améliorer leur bien-être psychologique.

 

Référence

MILLER, Alexander, et collab. « Understanding the mental health consequences of family separation for refugees: Implications for policy and practice », American journal of orthopsychiatry, 88 (1), 26, 2018.